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Nos sélections

Rentrée littéraire d'hiver

Théa
1 février 2017

Janvier, c'est le mois des bonnes résolutions ... c'est aussi celui de la rentrée littéraire d'hiver.

Retrouvez ici un premier aperçu des nouveautés, sélectionnées et commentées pour vous !

Par amour : roman

Valérie Tong Cuong (1964-....)
JC Lattès

« Par amour », c’est l’histoire de Muguette et Emélie, deux sœurs, et de leur famille, au Havre pendant la Seconde Guerre mondiale. Chaque chapitre correspond à une période, ou un événement, et est raconté à travers les yeux d’un personnage différent (les sœurs, leurs maris, et même les enfants). On ressent donc leurs façons différentes d’appréhender et de vivre les événements, de l’insouciance de certains, qui ne comprennent pas au début la portée de ce qui se passe, à la gravité des autres, qui perçoivent rapidement tous les enjeux et les horreurs du conflit. Cette narration à plusieurs voix est absolument bouleversante, car le lecteur ressent aussi à travers ce changement de point de vue tout l’amour des personnages entre eux, qui s’efforcent de rester courageux, de faire bonne figure pour ne pas inquiéter les autres, qui mentent parfois pour les protéger. Le travail de documentation historique est également remarquable, de par les détails, les ambiances qui sont restituées. J’ai comme tout le monde eu des cours d’histoire sur la seconde guerre mondiale à l’école, mais jamais je n’avais pris conscience de cette vérité historique de manière si forte, si réelle, si palpable. On ressent ce que ressentent les personnages, on vit avec eux les privations, la saleté, les bombardements, l’incertitude, la peur, constante, omniprésente. Une vraie claque, un roman puissant, magnifique, absolument bouleversant.


La sonate oubliée

Christiana Moreau
Préludes

"La sonate oubliée", c'est l'histoire croisée de Lionella et de Ada, toutes deux jeunes violoncellistes, mais l'une vit en Belgique au début du 21e siècle et l'autre à Venise au 18e siècle. S'engage entre ces deux musiciennes passionnées une sorte de dialogue virtuel, une narration à deux voix à travers le temps et l'espace. L'histoire est pleine de charme et de délicatesse, et on s'attache très vite à ces deux jeunes filles et à leur destin, à la fois tellement semblable et tellement différent. On découvre aussi, à travers le regard innocent et curieux de Ada, la vie à Venise au début du 18e siècle : la vie quotidienne et la difficile condition des femmes, mais aussi la magie du carnaval et la musique de Vivaldi. C'est aussi un vibrant hommage à la musique, aux instruments et à l'art des musiciens, servi par une écriture puissante et sensible. Émouvant, poétique, élégant, tout simplement magnifique !

 

 


Manuel à l'usage des femmes de ménage

Lucia Berlin (1936-2004)
Bernard Grasset

« Manuel à l’usage des femmes de ménage », c’est l’histoire, ou plutôt les histoires, de Lucia Berlin, auteure américaine née dans les années 1930. Lucia Berlin a en effet vécu mille vies, exercé mille métiers, vécu le meilleur comme le pire, dans divers endroits de la planète. Dans cette vie rocambolesque, elle pioche quantité de détails tantôt drôles, tantôt émouvants, mais tellement pittoresques que les lieux, situations ou lieux qu’elle décrit prennent littéralement vie au fil des pages. Par son art de la description extraordinaire, elle parvient à les rendre réels, palpables, uniques. Et souvent, très drôles aussi. Car malgré les hauts et bas qui ont émaillé son existence, Lucia Berlin garde un sens de l’humour redoutable, un côté parfois complètement loufoque et décalé. Un recueil de nouvelles avec beaucoup de rires et quelques larmes, à savourer à petites doses, à picorer comme une boîte de chocolats où on ne sait jamais sur quoi on va tomber mais où on aime finalement se laisser surprendre.


L'abandon des prétentions : roman

Blandine Rinkel (1991-....)
Fayard

"L'abandon des prétentions", c'est l'histoire de Jeanine, contée avec beaucoup de tendresse par sa fille. Jeanine, 65 ans, est une retraitée active, un peu excentrique, un peu naïve, mais surtout profondément gentille, qui accueille, écoute, réconforte tous ceux qu'elle croise. Une femme sans prétentions, qui apprécie les choses simples, et s'est créé son petit monde à elle. Et on aurait finalement bien envie de l'y rejoindre, tant ce petit monde respire la douceur de vivre, l'humanité et la bienveillance. Un premier roman vraiment charmant, drôle et émouvant, tout en délicatesse.


Jeux de miroirs

Eugen Ovidiu Chirovici (1964-....)
les Escales

« Jeux de miroirs », c’est le titre du livre, mais c’est aussi le titre du manuscrit reçu un jour par Peter Katz, agent littéraire. Ce texte, inachevé, va l’intriguer au point de lui donner envie de ré-ouvrir l’enquête sur un fait divers non élucidé : la mort, presque trente ans auparavant, d’un éminent professeur de psychologie spécialiste de la mémoire et de la manipulation des souvenirs. S’ouvre alors une enquête complexe, perturbante, car les témoins semblent tous avoir une version différente de l’affaire. Peter Katz, aidé d’un journaliste, puis d’un ancien policier, remontent le fil de l’histoire pour démêler le vrai du faux. Mais qui dit la vérité, et qui ment ? Ou plutôt : qui dit la vérité, et qui croit dire la vérité ? Les souvenirs des protagonistes sont-ils en effet vraiment fiables ? Une enquête à trois voix passionnante, avec en toile de fond une réflexion troublante sur la mémoire, les souvenirs, et la subjectivité de la vérité.


Presque ensemble : roman

Marjorie Philibert
JC Lattès

« Presque ensemble », c’est l’histoire de Victoire et Nicolas, 17 et 18 ans, deux jeunes sans histoires, insouciants, un peu nonchalants, qui se laissent porter par la vie. Malheureux en amour, ils trouvent quand ils se rencontrent, le soir de la finale de la Coupe du monde de foot 1998, un nouveau sens à leur vie. Ils idéalisent alors cette relation, se disent qu’ils seront « différents », différents des autres, différents de leurs parents. Mais le quotidien reprend vite le dessus, et avec lui son lot d’insatisfactions, de déceptions. On s’attache vite à ses deux personnages, avec leurs faiblesses, leurs failles et leurs idéaux, auxquels on peut facilement s’identifier. Et on en vient à ressentir pour eux un pincement au cœur car on devine les désillusions qui les attendent. Un joli premier roman, qui parvient à être à la fois drôle et mélancolique, plein de candeur et de lucidité, d’ironie.

 

 


Agatha, es-tu là ?

Nicolas Perge (1981-....)
Éditions du Masque

Décembre 1926 : la voiture d'Agatha Christie est retrouvée au bord d'un étang, et la romancière a disparu. A partir de cette anecdote réelle, Perge et Rivière tissent une intrigue qui, contrairement à ce que pourrait laisser augurer la couverture colorée, bascule assez vite dans la noirceur et la violence. L'un des aspects les plus intéressants du livre tient à la présence de deux monstres sacrés du roman policier, dans des rôles presque à contre-emploi : Agatha Christie, en étoile montante du polar, fragile et terrorisée ; et Arthur Conan Doyle, en écrivain vieillissant et sur le déclin, qui entend tromper son ennui en se lançant à corps perdu dans la recherche de sa consœur et concurrente. Une histoire prenante, sombre, où la violence est distillée avec soin et la peur omniprésente.

 

 


Aimer et prendre l'air : roman

Sophie Simon (1967-....)
JC Lattès

« Aimer et prendre l'air », c'est l'histoire d'Amy, jeune actrice, et Jack, scénariste, dont le mariage est un jeu du « je t'aime, moi non plus » depuis vingt ans. Jusqu'au jour où le jeu déraille et va un peu plus loin que d'habitude. Lorsqu'un couple d'amis les rejoint pour des vacances au bord d'un lac, il est trop tard : la boîte de Pandore de la vérité a été ouverte, et ne pourra plus être refermée. Commence alors un jeu de la vérité où les masques tombent, les apparences se fissurent, les rancoeurs enfouies éclatent au grand jour. J'ai aimé ce côté un peu cynique, la dénonciation des faux-semblants et de l'hypocrisie de la vie sociale. En revanche, j'ai parfois été agacée, par les tergiversations des personnages (Amy, personnage touchant, en devient parfois agaçante), ou leur auto-apitoiement (Jack, qui pleure sur sa carrière ratée, et Larry, sur son âge). Kathleen, personnage dépeint comme dur et cynique, est finalement la plus lucide et sera la première à prendre son destin en main. Une histoire au final intéressante, très bien écrite, et qui nous incite à nous interroger sur nos envies, nos choix, ce que nous voulons vraiment, au lieu de nous laisser enfermer dans des habitudes rassurantes et confortables.


Danser au bord de l'abîme

Grégoire Delacourt (1960-....)
Lattès

"Danser au bord de l'abîme", c'est l'histoire d'Emmanuelle, la quarantaine, qui profite d'une vie paisible et rangée avec son mari et ses trois enfants dans une petite ville bourgeoise du Nord de la France. Jusqu'au jour où elle croise dans un restaurant un homme qui la bouleverse, l'intrigue, l'obsède. Elle s'interroge alors sur sa vie, son bonheur, et ressent soudain un irrépressible besoin de liberté. J'ai beaucoup aimé le parallèle avec la fable de la Chèvre de M. Seguin, qui prend elle aussi tous les risques pour gagner sa liberté. J'ai en revanche été un peu dérangée par cette idée, qu'on retrouve souvent chez Grégoire Delacourt, que le bonheur ou la liberté se paient, parfois au prix fort. Un roman fort, puissant, mais terriblement empreint de tristesse et de mélancolie.

 

 


Le don empoisonné de la folie

Lucía Etxebarria (1966-....)
Mazarine

« Le don empoisonné de la folie », c’est un récit autobiographique où Lucia Etxebarria nous conte la façon particulière qu’elle a de vivre sa vie, ses amitiés, et ses amours. Elle est en effet un « zèbre », une personne au QI de 149, et à la sensibilité exacerbée. Elle ne perçoit donc pas la vie, et plus particulièrement les relations humaines, comme les autres. Lucia Etxebarria se dévoile ici en toute simplicité, et avec beaucoup de lucidité, et nous fait partager ses failles, ses faiblesses, ses doutes, ses déceptions aussi. Un récit tantôt drôle, tantôt touchant, parfois un peu cru (elle parle beeaauucoouup de sa vie sexuelle), où l’auteure se livre sans fards et sans tabous.

 

 


La vie magnifique de Frank Dragon : roman

Stéphane Arfi (1966?-....)
Bernard Grasset

Dans « La vie magnifique de Franck Dragon », nous faisons la connaissance d’un petit garçon de cinq ans très particulier : Franck ne parle pas, mais possède un imaginaire très développé et un langage bien à lui. Franck est aussi un petit garçon juif, à Paris, en 1939. Il se trouve donc, dès son plus jeune âge, pris dans la tourmente de la Seconde guerre mondiale. Ses parents sont raflés et déportés, il assiste au massacre des habitants d’un village dans lequel il avait été recueilli. Sur le papier, une histoire bouleversante, donc, mais à laquelle j’ai finalement eu du mal à accrocher. D’abord, dans les premières pages, les effets de style sont très (trop ?) présents : vocabulaire imagé, verbes et mots inventés, tournures de phrases. C’est parfois redondant, ça alourdit la lecture. Ensuite, le personnage de Franck m’a un peu déstabilisée : malgré les drames et les atrocités, les gens qui meurent devant lui, il ne semble pas touché, reste passif, distant ; il n’est pas dans l’émotion, il est dans la colère, la rage. Enfin, la dernière partie, où on le retrouve en 1954 était pour moi superflue, de même que ses monologues/délires fiévreux et mystiques et ses rencontres littéraires improbables. Au final, une impression assez mitigée : le récit de la Guerre retranscrit bien toutes les horreurs et les atrocités de cette période, il y a de belles trouvailles stylistiques et de magnifiques passages une fois passées les lourdeurs du début, mais le personnage de Franck est trop déroutant, et je n’ai pas réussi à m’attacher vraiment à lui et à son destin.